Mae Sot, jeudi 26 juillet
A Mae Sot, nous avons élu domicile au DK. Cet immense hôtel au petit air désuet, compassé, semble méditer tristement sur les jours meilleurs qu’il a connus autrefois. Il règne entre ces murs une odeur de poussière et d’humidité. Et les longs couloirs résonnent encore du bruit fantôme de célébrations et de fêtes depuis longtemps oubliées.
A Mae Sot, nous avons élu domicile au DK. Cet immense hôtel au petit air désuet, compassé, semble méditer tristement sur les jours meilleurs qu’il a connus autrefois. Il règne entre ces murs une odeur de poussière et d’humidité. Et les longs couloirs résonnent encore du bruit fantôme de célébrations et de fêtes depuis longtemps oubliées.
Mae
Sot est une cité étrange, comme toutes les villes de frontières sans doute. Nul
n’y est ici vraiment chez soi et les ethnies se mêlent dans ses rues bourbeuses.
Thaïs bouddhistes et musulmans, mais aussi Birmans portant le traditionnel
longyi (l’équivalent du sarong malais et indonésien), membres de la minorité
karen, et Chinois qui, comme souvent, détiennent la majeure partie des grandes
boutiques. Cette atmosphère particulière sauve Mae Sot de son statut de banale ville-rue.
Mais
la pluie nous y a suivis – ce sera la constante de ce voyage de mousson – et nous
zigzaguons entre les flaques jusqu’à un restaurant à l’appellation fort peu
traditionnelle, la Casa Mia. Là, Zaz
redécouvre avec délices les joies du banana pancake qui fit son bonheur
journalier lors de notre escapade indonésienne.
Le
lendemain matin, après avoir découvert le joli petit marché local, nous nous
engouffrons dans un tuk-tuk rempli de thaïs hilares et filons vers la frontière
distante de sept kilomètres. Là, nous découvrons le pont de l’amitié qui
enjambe la rivière Moel. D’un poste frontière à l’autre, nous le franchissons à
pied. La traversée est une simple formalité qui nous prend moins de vingt
minutes.
De l’autre
côté, la ville de Myawaddy nous offre déjà un aperçu du différentiel de
richesse entre la Thaïlande et la Birmanie – l’impression inverse de celle que
nous avions eue en passant de la Thaïlande à la Malaisie. Nous vivons là une
expérience inédite et troublante. Un homme nous approche pour nous aider – il y
en a toujours aux frontières. Il nous propose de nous conduire à une banque
pour que nous puissions changer de l’argent puis de nous trouver un moyen de
transport. Il nous explique que le bus que nous comptions prendre ne roule plus
à cause des inondations.
Bien
évidemment, nous n’en croyons rien – nous sommes des voyageurs expérimentés et
on ne nous la fait pas. Dans ce genre de situation, jamais encore nous n’avons
rencontré un bon samaritain qui nous renseignât de façon désintéressée. Nous
tentons tant bien que mal de nous débarrasser de l’importun mais il s’accroche
et nous suit obstinément – rien de très surprenant.
Nous
passons à la banque que nous avons choisie et j’en profite pour demander
conseil à la guichetière. Il apparaît que l’homme a dit vrai : il n’y a
plus de bus. Et le prix des véhicules privés susceptibles de nous conduire à
Hpa-An correspond à ce qu’il annonçait. En ressortant, je me sens un peu
coupable et désolé : le voyageur occidental a tellement l’habitude de se
faire rouler qu’il en oublie que parmi les gens qu’ils croisent, certains n’ont
pas encore totalement oublié le sens de l’hospitalité.
C’est
le cas des Birmans du sud. Probablement parce qu’ils n’ont pas (encore) été
soumis aux vicissitudes du tourisme de masse, les habitants que nous
rencontrerons lors de notre court séjour feront tous preuve d’une immense
gentillesse. Le Myanmar mérite peut-être plus encore que la Thaïlande le surnom
de « pays du sourire ».
A
bord d’une confortable Mercedes que nous partageons avec un sympathique backpacker
venu d’Estonie, nous élançons vers l’ouest. Le voyage durera plus de sept
heures. Et tandis que Zaz et Aliocha regardent la série des Iron Man sur l’ordinateur, je constate
avec une inquiétude croissante que la banquière et notre bon samaritain n’avaient
pas exagéré.
Plus
nous progressons, plus il devient évident que l’inondation a été importante.
Les rizières se sont transformées en véritables lacs. Tous les bâtiments qui ne
sont pas construits sur pilotis (surtout des garages, des annexes, des étables
mais aussi quelques habitations modernes) sont partiellement submergés. Les
routes tiennent souvent de la digue serpentant entre deux étendues d’eau qui s’étendent
à perte de vue.
Des
voyageurs plus prudents auraient sans doute fait demi-tour sans attendre. Mais
il ne pleut pas et nous n’avons aucun moyen de savoir depuis combien de temps
les terres sont ainsi inondées. Qui sait ? La décrue est peut-être déjà
amorcée… Les heures qui suivent auront raison de notre optimisme teinté de
naïveté…
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