Nouvelle coupure Internet durant quelques jours. Le temps de déménager d'Ubud à Amed, groupement de petits villages de pêcheurs sur la côte est de Bali.
Un endroit paisible où nous avons décidé de nous poser quelques jours, le temps de ne rien faire. De toute façon, il n'y a pas beaucoup d'activités ici, en dehors de la plongée. Nous nous contentons d'un masque et d'un tuba pour explorer les bancs de corail qui s'étendent le long de la côte. Ambiance plongée en aquarium géant, entourés de poissons qui ne sont vraiment pas farouches.
Le soir, on se ballade le long de la plage pour regarder le soleil se coucher sur le mont Agung, le plus grand volcan de l'île qui est aussi le lieu le plus sacré pour les Balinais. Ceux-ci n'utilisent d'ailleurs pas les points cardinaux que nous connaissons mais les directions kaja et kelod correspondant à "vers Agung" ou "vers la mer". Cet axe est utilisé notamment pour déterminer où l'implantation des temples des villages et de l'autel domestique que possède chaque maison de l'île.
J'ai profité de notre séjour ici pour lire Bali, sekala & niskala, un essai de Fred Eiseman sur la religion balinaise. C'est un bouquin fascinant qui permet de mieux comprendre à quel point chaque moment de la vie balinaise obéit à des rituels aussi complexes que précis. Il ne s'agit pas ici uniquement des habituels rites de passages (même s'il en existe pas moins de 13 différents dans la vie de chaque personne !).
Les offrandes sont quotidiennes et s'adressent non seulement aux dieux (dewa) et aux démons (bhutas et kalas) mais aussi à tout ce qui permet à l'homme de vivre: plantes (notamment le riz et les cocotiers), objets usuels (cuisinière de la maison, véhicules) ou objets sacrés (instruments de musique, livres etc). Chacune de ces offrandes fait l'objet d'une codification très stricte (nature de l'offrande, moment de l'année ou de la journée où elle doit être faite etc).
Les habitants de l'île sont donc en prise continuelle avec le sacré. Chaque acte s'accompagne d'une pensée pour les dieux: le repas, le départ pour la pêche, un long déplacement en voiture, la création ou la réparation d'un objet... Tout se fait sous le regard des dewas et la menace omniprésente des démons. On est loin de l'heure de messe hebdomadaire à laquelle se réduit souvent la spiritualité occidentale !
Curieusement, plus on se familiarise avec cet univers et plus on s'y sent étranger. J'ai souvent l'impression de passer à côté de ce qui est réellement important sans pourtant savoir ce dont il peut bien s'agir. Mais la conviction que j'ai toujours eue que l'homme occidental s'était coupé d'une dimension importante de l'expérience humaine n'a fait que se renforcer.
Coucher de soleil sur le mont Agung |
C'est ce que doivent ressentir les gens qui se ruent dans les cours de yoga ou de médecine alternative à Ubud. Mais je doute qu'ils y trouvent de véritables réponses. La spiritualité qu'ils cherchent - que nous cherchons tous - ne peut être cultivée hors-sol. Elle ne peut advenir que dans l'inscription de l'être dans son univers, dans sa réalité quotidienne. C'est peut-être la seule véritable leçon à retenir de Bali. Il n'y a pas de vérité révélée. Juste la nécessité de retrouver une complicité avec le monde.
Constater ici ce qui nous manque là-bas puis revenir chez soi pour semer les graines d'un rapport nouveau avec les autres. C'est déjà un très beau cadeau que nous fait l'île du sourire.
Griff
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